La mise en scène dans ce bassin trouve un équilibre qui lui est propre. L'accès à Glass Tea House se fait par un petit ponton en bois, au ras de l'eau. On a le sentiment que les personnages flottent, dégageant une irréelle légèreté. Tout ici est harmonie : le pavillon transparent et ses reflets sur l'eau, les gestes infiniment réglés et répétés du maître de thé, le calme, l'environnement du parc, les couleurs de l'automne, le soleil plus doux. Tout est marqué par l'harmonie, le wa, premier principe du chanoyu.
Le bassin évoque l'élément eau, présent dans le jardin japonais et symbolisant kei, la pureté, le deuxième des quatre grands principes du chanoyu.
Le chanoyu qui a été présenté à Versailles le 14 octobre a été dirigé par le maître de thé So-oku-sen, issu de l'école Mushakojisenke, assisté par Hiroshi Sugimoto lui-même. On peut donc considérer que ce chanoyu relève à la fois de la tradition et d'un performance d'art contemporain.
Le château de Versailles commence son histoire avec la construction d'un relais de chasse en 1623 par Louis XIII.
Cette période est quasiment contemporaine (ou juste successive) de celle de la codification du chanoyu, et lui fait écho.
Si le premier lien est établi avec Piet Mondrian et l'art contemporain, le second lien est d'évidence historique, dans la correspondance des périodes.
S'y ajoute un troisième lien, beaucoup plus discret et qui est passé quasiment inaperçu. Il fait à nouveau appel au chanoyu. Lors de la cérémonie du thé, le maître de thé prépare un thé pour un invité et utilise des accessoires choisis : bol à thé (chawan), fouet en bambou (chasen), cuillère en bambou (chashaku), louche en bambou (hishaku) ainsi qu'une bouilloire (kama) et un pot à eau froide.
Le bol à thé (chawan) qu'a utilisé Hiroshi Sugimoto était en fait une réplique miniature en porcelaine de "Fontaine" (1917), l'oeuvre emblématique de Marcel Duchamp.
Splendide clin d'oeil et deuxième hommage à l'art, le dadaïsme en l'occurence. L'art dans le souci du détail, dans le non-dit, car ce chawan n'était pas visible pour les chanceux qui assistèrent (de loin) à ce chanoyu. L'évidence est souvent discrète, voire cachée.
Nous sommes bien à la croisée des chemins et des dialogues entre histoire et art contemporain, avec un parti pris minimaliste dans les moyens qui nous renvoie à ce regard extrême-oriental qui ne dit pas nécessairement tout et sait placer l'essentiel au second plan.
Cette rencontre nous amène au quatrième principe du chanoyu : jaku, la sérénité.
Tout y a concouru, tout y a mené.
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